La Médiation par le Théâtre

Par Collectif

Broché (17,50 €)

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190 pages

En bref

Quand le corps se raconte, quand le geste fait sens, quand la fiction se déploie, une autre réalité se construit, une nouvelle fenêtre s’ouvre sur le monde, sur soi et sur l’autre. La scène est alors le lieu d’un autre possible… La médiation par le théâtre offre ainsi une « scène » à des sujets porteurs d’un chaos dont ils ne savent souvent que faire. Elle peut alors aider et soutenir des personnes en souffrance. Comment le théâtre permet-il de s’expérimenter autre que « soi » ? Comment cette expérience peut-elle être le point de départ d’un travail clinique à la fois singulier et collectif ? Qu’est-ce qu’une troupe au théâtre et pourquoi se révèle-t-elle parfois si fragile ? En prenant comme fil rouge un atelier de théâtre organisé auprès d’adolescents « délinquants », cet ouvrage montre en quoi toute situation d’improvisation théâtrale est susceptible de renouer avec les enjeux de la « naissance de la tragédie » et développe leur portée thérapeutique. Une dizaine de balises théorico-pratiques permettent au lecteur de s’emparer de ces propositions afin de les mettre en oeuvre.

Jean-Michel Vives et Frédéric Vinot enseignent la psychologie clinique et pathologique à l’université Côte d’Azur et sont responsables du master « Psychologie clinique et médiations thérapeutiques par l’art ». Lionel Raufast est maître de conférences associé à l’université Paul Valéry et comédien.

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Sommaire

I. Avant-propos

II. Une naissance du théâtre en atelier 

III. Du théâtre au soin psychique

  • Dionysos et la naissance de la tragédie
  • Brouiller les frontières de l’illusoire et du réel
  • Le cri au « chœur » de la tragédie : une lecture de l’Orestie
  • L’illusion tragique
  • Premières pistes métapsychologiques

IV. Qu’est ce qu’une médiation tragique ? 

  • Passage de l’effraction de la scène à l’effraction sur et par la scène
  • Pratique clinique et transfert sur la pratique artistique
  • Approche freudienne de l’expérience théâtrale et de ses effets
  • Fragilités de la troupe

V. En guise de conclusion

Extrait

I. AVANT-PROPOS

Que viennent faire Freud et Dionysos sur une scène dite thérapeutique ? Pourquoi devrait- on associer le créateur de la psychanalyse à ce dieu étrange dans le cadre d’une réflexion sur les médiations thérapeutiques par le théâtre ? Pourquoi, pour rendre compte des effets thérapeutiques liés à la pratique théâtrale, le corpus freudien ne se suffirait-il pas ? Et pourquoi les études anthropologiques, de leur côté, sont-elles limitées quant à l’explication de ces mêmes effets ? La thèse défendue dans le présent ouvrage est la suivante : soutenir une interprétation psychanalytique de ces effets implique nécessairement de recourir à ce qui ne cesse d’irriguer l’acte théâtral : sa dimension dionysiaque. Faire monter Freud avec Dionysos sur la scène thérapeutique, c’est faire basculer la métaphore théâtrale récurrente dans l’œuvre freudienne du côté d’une scène réelle.

Freud et la métaphore théâtrale

La référence théâtrale est en effet particulièrement présente dans les écrits freudiens.

Ainsi, à l’occasion d’une lettre datée du 15 octobre 1897, adressée à l’ami berlinois Wilhelm Fliess, Freud pose une des pierres de touche de la théorie psychanalytique : le complexe d’Œdipe. Voici ce qui s’impose à lui et lui donne le courage d’inventer la psychanalyse :

« La légende grecque s’empare d’une contrainte que chacun reconnaît parce qu’il en a ressenti l’existence en lui-même. Chaque auditeur a été un jour en germe et en fantaisie cet Œdipe, et devant un tel accomplissement en rêve transporté ici dans la réalité, il recule d’épouvante avec tout le montant du refoulement qui sépare son état infantile de celui qui est le sien aujourd’hui. »

La psychanalyse se voit ainsi créée dans un intime rapport au théâtre : Œdipe roi, restera jusqu’à la fin de son œuvre en 1939, l’alpha et l’oméga de sa construction théorique. Au-delà, les métaphores théâtrales – « L’autre scène » servant à désigner l’inconscient, la « scène originaire » nommant le rapport sexuel entre les parents que le sujet fantasme et dont il se trouve, à la fois, être exclu et le produit, en sont deux exemples – et les emprunts aux auteurs et à leurs œuvres – Sophocle : Philoctète, Œdipe roi ; Shakespeare : Richard III, Macbeth, Hamlet, Le roi Lear, Le marchand de Venise ; Wedekind, Schnitzler, Schiller, Ibsen, Goethe, Bahr… – constitueront les vibrants témoignages de l’intérêt de Freud pour le théâtre.

La pratique psychanalytique, elle-même, se trouvera informée par les enjeux théâtraux. Cela peut se repérer dès 1895 dans les Études sur l’hystérie. En effet, avec le théâtre du corps hystérique Freud a accès, dans la dynamique transférentielle, au « théâtre privé » de ses patientes, selon l’heureuse expression d’Anna O. La cure vise à partir de là à effectuer un « dénouage artistique du tissu de l’inconscient5 ». Le transfert est alors présenté comme « un changement complet de la scène, comme si une scène avait cédé la place à une réalité effective faisant subitement irruption, un peu comme retentit le signal de l’incendie pendant une représentation théâtrale ». Pour Freud, la scène théâtrale est donc essentiellement métaphore ou analogie de l’appareil psychique ou du dispositif de la cure.