combats Game of Thrones

Le pire combat de Game of Thrones

Je n’ai encore trouvé aucune représentation d’un combat qui, dans la série, corresponde à ce qu’on peut lire dans les livres de combat du Moyen Âge.

 

Daniel Jaquet, historien spécialiste des arts martiaux à l’époque médiévale et auteur de Combattre au Moyen Âge, revient sur les principaux combats et batailles ayant émaillé la série Game of Thrones. Leur mise en scène a-t-elle été fidèle à la réalité des pratiques de nos ancêtres ? Pas tout à fait…

 

Que penser de la mise en scène mises des deux dernières batailles de Game of Thrones au regard de la réalité des pratiques de l’époque médiévale ? 

Les réalisateurs de la série ne cherchent pas à filmer des fresques « scientifiques » de « véritables » batailles médiévales : le faire décevrait les attentes des téléspectateurs qui n’y trouveraient que peu de souffle épique. Le show puise donc dans des inspirations aussi diverses que les grandes batailles antiques, le monde médiéval, les guerres napoléoniennes ou les jeux vidéo. Plus largement, la série mobilise beaucoup de pure fiction : dragons ou morts-vivants. Enfin l’accent est mis sur les « temps forts » de la bataille : on met en relief ses aspects les plus singuliers et extraordinaires, ceux qui permettent d’emporter la victoire ou de subir la défaite.

Avec la bataille contre l’armée des morts, par exemple, les producteurs ont joué avec de nombreux éléments, comme l’opposition entre la lumière et les ténèbres (la première charge de cavalerie avec les armes allumées par la prêtresse repentie, qui s’éteint à l’horizon) ; le jeu entre les troupes désorganisées de Dothrakis et l’alignement digne d’un jeu d’ordinateur des formations des Immaculés ; ou encore l’opposition entre les forces et faiblesses respectives des morts et des vivants. Ce qui personnellement m’a déçu, c’est que les armures représentées à l’écran protègent aussi peu que du carton. Tous les coups passent au travers comme si l’équipement défensif n’offrait aucun avantage à son porteur, ce qui est toujours aberrant à regarder.

Ce qui personnellement m’a déçu, c’est que les armures représentées à l’écran protègent aussi peu que du carton.

Les duels en armure les plus emblématiques de la série sont-ils fidèles à la réalité des pratiques et des armements employés au Moyen Âge ? 

Je n’ai encore trouvé aucune représentation d’un duel qui, dans la série, corresponde à ce qu’on peut trouver dans les livres de combat du Moyen Âge. Reproduire ou restituer des gestes bassement pragmatiques dictés par des paramètres tels que la pure « survie », serait certainement illisible d’un point de vue cinématographique : cela ne permettrait ni de construire une narration solide, ni d’offrir au spectateur l’opportunité de reconnaître des émotions ou des traits de caractère constitutifs d’un personnage.

Tous les combats que l’on peut classer dans la catégorie « judiciaire » (le duel de la Montagne et de la Vipère, par exemple) s’inspirent de vraies pratiques qui visaient, en général, à garantir l’équité des chances des protagonistes. Ces combats étaient donc menés avec un équipement symétrique (les mêmes armes offensives et défensives), parfois même fourni par l’organisateur du combat, comme pour les « pas d’armes » et autres formes de « tournois ».

Je n’ai encore trouvé aucune représentation d’un combat qui, dans la série, corresponde à ce qu’on peut lire dans les livres de combat du Moyen Âge.

Dès le XIIIsiècle, en revanche, certains coutumiers (i.e. la mise par écrit de coutumes orales, standardisées et faisant office de textes légaux) justifient des pratiques de combat singulier avec un armement asymétrique, à condition que les protagonistes soient issus de classes sociales totalement différentes par exemple, ou qu’ils soient de sexe différent… Enfin, lors de certaines compétitions, les armes pouvaient être tirées au sort ou laissées au libre choix des participants.

Quel est le combat à l’épée le moins crédible de Game of Thrones, et pourquoi ?

Le pire des combats de Game of Thrones, du point de vue technique, est celui de l’affrontement entre Brienne et Arya à Winterfell (saison 7, épisode 4). La majorité des coups sont complètement hors distance (les actrices esquivent des coups qui ne touchent pas), les mouvements en opposition sont souvent illogiques (voltes superflues, actions au fer suicidaires, distances absurdes entre les combattantes), et le timing de la chorégraphie est médiocre : de nombreuses parades sont effectuées avant l’action offensive par exemple.

Le pire des combats de GOT, du point de vue technique, est celui de l’affrontement entre Brienne et Arya à Winterfell

La majorité des combats « chorégraphiés » comportent ce genre d’erreurs, mais avec celui-ci, l’accumulation des ratés et leur très haut degré d’invraisemblance rendent le combat médiocre à l’écran. Soit le directeur technique était fatigué, soit les actrices n’ont pas eu suffisamment de temps pour le préparer…

Est-il crédible que des femmes soient initiées au maniement de l’épée voire excellent à cet exercice et combattent à armes égales avec des hommes, possédant parfois même le statut de chevalier ? 

En tant que pratiquant d’arts martiaux, j’estime qu’il n’y a pas de différence entre les capacités techniques au combat d’un homme et d’une femme. Certes, les questions de force et de stature ont un impact sur le combat au corps à corps. Toutefois, l’art du combat consiste à surpasser les avantages de son adversaire (force, rapidité, sens tactique, technicité) à travers la maîtrise du temps et de la distance grâce au maniement de son arme. Celle-ci, quelle qu’elle soit, permet justement de contrevenir à ses propres désavantages physiques ou techniques par rapport à son adversaire, peu importe son sexe.

En tant qu’historien, je suis obligé de rappeler que la place de la femme est normée par la société dans laquelle elle vit, mais également, que l’histoire est bien souvent écrite par des hommes. Avant le tournant du XIXsiècle au moins, les femmes n’ont pas leur place au sein des troupes de combat, comme dans la majorité des sociétés judéo-chrétiennes où la femme est tenue éloignée des pratiques de violence interpersonnelles ou institutionalisées. Cela ne veut toutefois pas dire que les femmes n’ont pas combattu. Elles ont d’ailleurs une place dans les livres de combat, comme je le montre dans la première partie de mon livre

 

Propos recueillis par Elena Scappaticci

Pour aller plus loin : Combattre au Moyen Âge