Dernier brunch avant la fin du monde

Par Célia Héron & Floriane Zaslavsky

Broché (18,50 €)

Disponible sur Amazon, Fnac ou En librairie

Ebook (12,00)

Disponible ci dessous au format Epub

272 pages

En bref

Vous tenez entre vos mains le fruit d’une collaboration rêvée entre Roland Barthes et Kim Kardashian. 

En 1957, le sémiologue publiait ses Mythologies, proposant une analyse corrosive de la culture de masse de son temps. Parmi les plus célèbres, le visage de Greta Garbo, la Citröen DS ou encore le steak justify. 

Qu’aurait-il pensé de l’ascension spectaculaire des stars de la téléréalité, des dick pics en haute résolution, des chats qui jouent du piano sur internet ou des avocado toasts à 18 euros ? 

Du « chef de compost » au « tote bag », en passant par « l’aspirateur à clitoris », ces chroniques mordantes s’attachent à décortiquer les objets, les attitudes et les icônes qui incarnent l’époque d’une génération. Celle qui a connu un monde sans internet, s’est débattue avec une crise économique internationale, et qui tâche de s’en sortir, entre quête d’authenticité et mises en scène permanente de soi. 

Célia Héron est cheffe de la rubrique société du quotidien Le Temps. Floriane Zaslavsky est sociologue et journaliste indépendante, elle écrit notamment pour Le Temps et Socialter. Dernier Brunch avant la Fin du Monde est le premier livre qu’elles publient ensemble.

Presse

L’Obs

Qu’aurait pensé Roland Barthes des émojis, du running et de Kim Kardashian ? À cette question, la sociologue Floriane Zaslavsky et la journaliste Célia Héron répondent par l’humour et le décryptage de « nouvelles mythologies » dans un livre irrésistiblement baptisé Dernier brunch avant la fin du monde.

Le Temps

Un inventaire de nos modernes «Mythologies», une variation contemporaine, drôle et parfois mélancolique, cinquante ans après le célèbre essai de Roland Barthes.

Slate

Tout comme le sémiologue a étudié la culture de masse de son temps, les journalistes Célia Héron et Floriane Zaslavsky décortiquent les objets, attitudes et icônes qui incarnent notre époque.

Stratégies

Des alertes du Giec à la culotte de règles, du ghosting à l’aspirateur à clitoris, de la cigarette éléctronique aux tiers-lieux, l’ouvrage propose 40 entrées et fait sienne cette phrase de Barthes qui dit tout – comme toujours : « Je réclame de vivre pleinement la contradiction de mon temps, qui peut faire d’un sarcasme la condition de la vérité.

Sommaire

YOUTUBE, BARTHES ET NOUS

  • I.L’AVOCADO TOAST
  • II. LES ALERTES DU GIEC
  • III. LA FOMO
  • IV. LA CAMPAGNE
  • V. LE CHAT D’INTERNET
  • VI. C’EST COMPLIQUÉ
  • VII. LE CHEF DE COMPOST
  • VIII. LA CIGARETTE ÉLECTRONIQUE
  • IX. LA DISRUPTION
  • X. ÉMOJI PLEURE DE RIRE
  • XI. LA MORNING ROUTINE
  • XII. ET TOI, LES ENFANTS ?… FACE A
  • XIII. ET TOI, LES ENFANTS ?… FACE B
  • XIV. LE GHOSTING
  • XV. LES MOTS EN -ING
  • XVI. KYLIAN
  • XVII. LOL
  • XVIII. NETFLIX
  • XIX. LA CULOTTE DE RÈGLES
  • XX. LE NEW YORKER
  • XXI. LA PARISIENNE
  • XXII. LES PODCASTS
  • XXIII. LE RUNNING
  • XXIV. LES SNEAKERS
  • XXV. LE SWIPE
  • XXVI. LES TIERS-LIEUX
  • XXVII. LE TOTE BAG
  • XXVIII. LA TROTTINETTE
  • XXIX. LE VISAGE DE KIM KARDASHIAN
  • XXX. LE YOGA
  • XXXI. L’ASPIRATEUR À CLITORIS

ÉPILOGUE

Extrait

Youtube, Roland Barthes, et nous

Vous tenez entre vos mains un livre au titre cryptique en couverture duquel le monsieur – qui se trouve être une interprétation artistique de Roland Barthes – ressemble un peu à votre prof d’allemand de quatrième. Votre indépendance d’esprit vous honore.
De quoi parle cet ouvrage ? Nous allons y venir d’ici quelques lignes. Afin d’éviter toute déconvenue, commençons peut-être par déterminer ce que ce livre « n’est pas », de sorte que vous puissiez le reposer discrètement là où vous l’avez trouvé. Ceci pour ne pas nourrir l’amertume qui s’empare parfois du consommateur plein d’espoir
quand celui-ci se sent vilement arnaqué. Par exemple quand il sort du micro-ondes une barquette de « poisson à la bordelaise » et la compare, perplexe, à la photo de l’emballage cartonné.
Ce livre n’est ni un essai sur Roland Barthes, ni un hommage à ce dernier, ni un ouvrage de sémiologie qui prétendrait s’approcher de ses analyses. N’est pas Roland Barthes qui veut, et certainement pas nous, dont une grande partie du temps libre est consacrée à rire nerveusement devant des images de chiens à chapeaux sur internet. Il s’agit plutôt d’une variation sur le thème des Mythologies, habitée par la question suivante : quarante ans exactement après la mort de Roland Barthes, quels mythes infusent aujourd’hui notre société et que disent-ils de nous ?
Tout a commencé un samedi soir de solitude passé sur le site de l’INA – qui lui n’annule jamais quarante-cinq minutes avant l’heure d’un rendez-vous – à visionner des vidéos sélectionnées par un algorithme. Soudain est apparu Roland Barthes. Il y parlait de ses Mythologies et rappelait les ambitions de son essai : proposer une collection d’analyses des mythes de la vie quotidienne, que cristallisaient alors les discours dominants et les pratiques sociales petites-bourgeoises de son époque.
Soyons honnêtes. Comme L’Odyssée d’Homère ou Ulysse de Joyce, les Mythologies de Barthes avaient rapidement rejoint au cours de nos vies l’étagère mentale des « livres qu’il est de bon ton de convoquer dans les dîners en ville, alors qu’on n’en a lu que trois extraits au lycée ».
Dans ce texte publié au Seuil en 1957, Roland Barthes dissèque, en une cinquantaine de courts essais, ce qu’il désigne comme étant un ensemble de croyances structurant de l’intérieur une société. Il s’intéresse ainsi aux images collectives sur lesquelles repose la culture de masse des années 1950 et qu’il a choisies au gré de l’actualité. Parmi les plus célèbres, on retrouve ainsi le catch, le steak frites, la Citröen DS, ou encore le visage de Greta Garbo.
Pour Roland Barthes, le mythe porte un message, dessine un discours, s’impose comme concept. Objet d’étude sémiologique par excellence, il est aussi moyen de communication. Communément partagé mais dépolitisé, l’objet mythifié véhicule des valeurs sans jamais les nommer, comme si ces dernières n’étaient rien d’autre que de naturelles évidences. Or, c’est bel et bien leur caractère construit qui transparaît au fil des pages du recueil et de la déclinaison de cet ensemble de signes et de discours. En effet, il ne s’agit pas de n’importe quelles valeurs mais de celles du « français moyen ». Plus précisément de celles qui constituent l’éthos « petit-bourgeois ». L’auteur dessine ainsi, en creux, le paysage mental de ceux qui appartiennent à la classe moyenne majoritaire, mue par un désir d’ascension sociale et la volonté mimétique de s’approprier les normes bourgeoises en vigueur, ou du moins celles qui sont perçues comme telles. S’il est bien un domaine dans lequel brillent les « petits-bourgeois », c’est le conformisme. Roland Barthes prend l’exemple du grand mariage bourgeois, issu d’un rite de classe particulier :
Par la presse, les actualités, la littérature, il devient peu à peu la norme même, sinon vécue, du moins rêvée, du couple petit-bourgeois. […] En répandant ses représentations à travers tout un catalogue d’images collectives à usage petit-bourgeois, la bourgeoisie consacre l’indifférenciation illusoire des classes sociales : c’est à partir du moment où une dactylo à 25 000 francs se reconnaît dans le grand mariage bourgeois que l’ex-nomination bourgeoise atteint son plein effet.
En soixante ans, la société française a connu des transformations de fond. Les grandes lignes de démarcation entre catégories sociales se sont érodées, en même temps que les imaginaires communs qui y étaient rattachés. La grande machine à mythologies, elle, ne s’est pas pour autant arrêtée de tourner. Nous sommes tous abreuvés d’images collectives constitutives de notre propre culture de masse, dérivées d’une élite économique ou intellectuelle désormais internationale. Combien de jeunes professionnels issus de la classe moyenne et arrivés sur le marché du travail juste au moment où il ne fallait pas – c’est-à-dire en pleine crise économique interstellaire – sont quotidiennement gavés d’images et de récits censés paver leurs ambitions ? Quelles nouvelles mythologies notre société mondialisée a-t-elle véhiculé ces dernières années, alimentant les rêves et fantasmes d’une partie de notre génération, aspirant, comme nous, à plus, à mieux ?
Nous nous sommes lancées dans un travail de liste, non exhaustif. Sur un document partagé, au gré de nos lectures, de nos conversations, de titres de journaux, de nos fils Twitter ou Instagram, de discussions de comptoir, se sont empilés en vrac des objets divers. Nous avons conçu de la sorte des semblants de réponses kaléidoscopiques aux questions qui nous taraudaient. De quoi la presse, les réseaux sociaux, la publicité se font-ils l’écho aujourd’hui ? Peut-on vraiment établir une vision générationnelle des mythes contemporains compte tenu de la divergence de ces derniers en fonction de facteurs géographiques – villes, campagnes, banlieues – et sociaux ? En assumant la part forcément subjective des choix qu’une telle démarche implique, nous avons décidé de nous lancer.
Qu’est-ce qui fait une génération ? La réponse n’est pas aussi simple qu’il n’y paraît. Une définition stricte, d’un point de vue démographique pourrait être, dans notre cas : « la cohorte des gens nés entre 1980 et 1995 ». Ce serait oublier l’importance des « générations de fait », qui ne peuvent pas être rentrées au chausse-pied dans un bornage chronologique. Celles-ci correspondent à des groupes marqués par des évènements fondateurs ou des ruptures marquantes qui nourrissent une identité collective. On pourrait ainsi affiner notre définition en parlant d’une génération qui intègre : « ceux qui se souviennent d’un monde sans internet, sans Beyoncé, sans émoji » ou encore de « ceux dont le passage à l’âge adulte a été marqué par une crise économique mondiale, puis par la conviction que leur vie allait consister en un inéluctable déclassement et un désastre écologique ». Enfin, nous pourrions ajouter qu’une génération est une abstraction, un produit de l’imaginaire social qui permet rétrospectivement d’organiser le temps long et de nous placer correctement sur une grande frise chronologique sur fiche bristol.
Si nous n’avons pas le recul nécessaire pour savoir quels marqueurs de notre époque resteront en réalité dans les mémoires collectives, certaines images de notre culture de masse se sont spontanément imposées dans les différents domaines que nous avons tenté d’analyser : le travail (ou l’art moderne de concilier les injonctions à l’épanouissement et à l’indépendance financière dans un monde qui camoufle la précarité inhérente à l’économie des plateformes sous la cape à paillettes de l’esprit entrepreneurial), le sport (parce que bouger, c’est bien, mais montrer qu’on bouge, c’est encore mieux), l’amour (parce que l’intime est toujours politique), la culture (parce qu’on a les icônes qu’on mérite) ou encore l’écologie (la phrase « oui mais enfin l’espèce humaine risque quand même de disparaître » occupant depuis quelques années une place non négligeable autour de la table). Afin que nos éditeurs acceptent de répondre à nos e-mails, il nous a aussi fallu en écarter quelques-unes telles que « le gloss », « la chemise à carreaux », ou « le dentifrice pour chat ».
Roland Barthes réfléchissait à des aspirations « petites-bourgeoises » franchouillardes et façonnées par le mode de vie de la bourgeoisie des années 1950. Comment l’évolution de cette dernière a-t-elle influé sur les mythes contemporains ? La mondialisation, par l’élargissement global des champs économiques, culturels et sociaux, a vu émerger dans les métropoles une nouvelle élite. Au XXIe siècle, celle-ci est d’abord urbaine et internationale, constituée de « citoyens du monde » qui maîtrisent les codes et les langues de plusieurs pays, et arrosent les réseaux d’images semblables de Paris à New York en passant par Londres ou Tel-Aviv. Loin du conservatisme affiché de la bourgeoisie d’antan, la nouvelle élite mondialisée prône des valeurs progressistes, antiracistes, écologistes, parfois (soyons fous) féministes, et s’identifie politiquement à la gauche ou au centre-gauche. Pourtant, elle est aussi un moteur de gentrification des centres urbains, a sa part de responsabilité dans le changement climatique, et participe d’une nouvelle économie qui ne contribue pas franchement à la réduction des inégalités mondiales. Et ce, malgré sa promesse de « rendre le monde meilleur ». Cette élite se distingue par une certaine incarnation de l’oisiveté et une mise en scène de son temps de loisir dans des lieux stratégiques (de type : appartement de rêve au cœur d’une grande ville, plage de sable fin au bout du monde ou crique privée au bord de la Méditerranée).
Les réseaux sociaux ont fondamentalement modifié le rapport que peuvent entretenir les classes moyennes et populaires aux images de ces nouveaux privilégiés. Roland Barthes relevait l’influence que les clichés d’un mariage bourgeois dans la presse à grand tirage exerçait sur les rêves et les aspirations d’une jeune dactylo : qu’aurait-il pensé du flux permanent de posts Instagram d’influenceuses multimillionnaires avant leurs vingt ans, et dont la principale activité consiste à inonder le web d’images d’un spectaculaire entre soi, en attendant les likes monétisables de jeunes au Smic horaire ? Dans quelle mesure l’illusion de proximité et le pouvoir d’identification renforcés par nos scrolls quotidiens façonnent l’image de nos vies rêvées ?
À grands coups de retweets et de posts brillants sur écran tactile, nous sommes engloutis par des fantasmes que nous avons certainement contribué à construire à force d’en être abreuvés. Nous ne faisons pas exception à la règle et l’écriture de ce recueil l’aura confirmé : nous sommes les premières à être pétries d’autant de convictions que de contradictions. Un sac en coton équitable sur l’épaule, un bol de graines de chia gonflées au lait de soja sur la table de notre brunch dominical, engagées dans une conversation complètement hasardeuse sur le dernier rapport du GIEC, il nous arrive de lever un sourcil moqueur devant un innocent trottineur… perdant de vue l’espace d’un instant que chacun de nous est condamné à être l’insupportable bobo d’un autre.
Notre rapport à internet – aux images qui y circulent, au temps que l’on y passe et aux efforts que l’on y déploie pour se présenter au monde – s’est vite imposé comme fil rouge de ce livre. Soumises depuis notre tout premier modem aux aléas des sollicitations, des images, des textes, des points de vue, des notifications et des publicités, nous avons décidé d’organiser ce recueil de la façon la plus en phase qui soit avec nos vies : un peu n’importe comment, mais quand même par ordre quasi alphabétique. Cet ouvrage servira-t-il à autre chose qu’à caler la table en formica qui vous angoisse en silence depuis plusieurs mois ? Nous l’ignorons. Il aura au moins eu le mérite de faire écho à cette phrase sublime introduisant les Mythologies de Roland Barthes : « Je réclame de vivre pleinement la contradiction de mon temps, qui peut faire d’un sarcasme la condition de la vérité ».