Cannibales

Par Angelica Montanari

Broché (19,90 €)

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Ebook (9,99)

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260 pages

 

 

En bref

On a longtemps dépeint les cannibales comme des êtres monstrueux et exotiques, des sauvages hantant les terres lointaines. Pourtant, nos ancêtres se délectaient eux aussi de chair humaine. Uniquement en cas de disette, pensez-vous ? Pas vraiment : en Occident, les situations où l’homme en vint à dévorer ses semblables sont nombreuses. De la préparation de précieux remèdes à base de cadavres aux rituels de vengeance destinés à outrager la dépouille de l’ennemi, jusqu’à l’anthropophagie maternelle : l’homme a souvent été un loup pour l’homme. Bons chrétiens, chevaliers, rois, tendres jouvencelles, malades ou femmes adultérines pouvaient goûter aux délices de l’anthropophagie. Il faut dire que les imaginaires étaient hantés de créatures perfides et affamées. Ogres, loups-garous et cynocéphales ­côtoient des sorcières friandes de chairs humaines. Autant d’histoires à découvrir en empruntant le dédale de documents historiques inédits, d’images et de textes brillamment assemblés par Angelica Montanari dans son histoire mordante du cannibalisme, entre croyances funestes et vérités crues.

Angelica Montanari est docteur en histoire médiévale, dipolmée de l’EHESS et enseignante-chercheur à l’université de Bologne. Elle est l’auteur de Il Fiero Pasto, Il Mulino, 2015.

 

Presse

Vice

Dans la vie, rien ne m’a plus fait flipper que le récit oral d’une scène du Silence des agneaux. Je devais avoir une dizaine d’années quand on m’a raconté avec une précision d’étudiant en médecine cette scène où Hannibal Lecter déchiquète des flics et déguste leur chair avec « un verre de Chianti »[…]

Slate

Les mythes et histoires sanglantes qui peuplent nos productions culturelles, des contes d’antan aux films hollywoodiens, sont en partie fondées sur des récits du Moyen ge. C’est ce que montre la professeure d’histoire Angelica Montanari dans son ouvrage […]

La Fabrique de l’histoire

Les rangs des anthropophages semblent s’être éclaircis considérablement, par les temps qui courent, en comparaison avec un bon nombre d’anciennes pratiques que diverses civilisations ont généralisées. Et pourtant il n’est guère d’années où nos gazettes, au chapitre des faits divers, ne relatent de sombres histoires évoquant des criminels ayant ingéré leurs victimes […]

Sommaire

I. L’éthique du comestible

  • De sombres affaires
  • La faim
  •  Sur les traces des cannibales
  • Raconter la crise
  • Le pur et l’immonde
  • Le corps dévoré
  • Le corps divin

II. Baumes d’hommes

  • Estimables nourritures
  • Une diète spéciale
  • Le sang
  • Ingrédients secrets
  • Le vinage
  • La mumia
  • Le bourreau et le médecin

III. Rituels et vengeances

  • Dévorations à l’italienne
  • Renaissance en rouge
  • Le rituel infamant
  • Dévorateurs et dévorés
  • Des hommes ou des porcs ?
  • Du trône à la poêle
  • Le cœur mordu

IV. Manger ses proches

  • Reliques d’amants
  • Le cimetière des Saints-Innocents
  • Les textes sacrés
  • Le siège de Jérusalem
  • Mères dénaturées
  • Hommes et femmes

V. Aux confins de la Chrétienté

  • Cannibales et saints
  • « La fureur de vaincre »
  • Le roi cannibale
  • Homicides rituels
  •  L’accusation infamante

VI. Merveilleuses difformités

  • De l’Orient avec férocité
  • Au loin
  •  Cannibalisme bestial
  • Le visage de l’assassin
  • Banquets macabres
  • Une ménagère à l’œuvre

VII. Le sentier des fables

  • Le chaudron de la sorcière
  • Le lycanthrope
  • Les ancêtres du vampire
  • Monstres, hybrides et mutants
  • Ogres et géants

Pour finir

  • Le système cannibale
  • Empreintes médiévales

Extrait

Des cannibales parmi nous

Sur terre, plus de soixante-dix espèces du règne animal pratiquent la dévoration de leurs semblables. L’homo sapiens en fait partie lui-aussi, à sa manière.

Les témoignages recueillis au Moyen Âge attestent nos antécédents cannibales. La consommation de chair humaine n’a pas toujours été induite par une insuffisance des ressources alimentaires. Bons chrétiens, chevaliers, rois, tendres jouvencelles, gens du commun ou simples malades ne furent pas en reste. Le pèlerin, l’ermite, l’enfançon, le guerrier : victimes ou bourreaux en puissance, tous autant qu’ils étaient.

De nombreuses créatures dévoratrices imaginaires pullulaient aussi dans l’entourage des anthropophages en chair et en os. Des ogres, des loups-garous, des cynocéphales, des races monstrueuses vivant aux quatre coins du monde, des peuples apocalyptiques, des sorcières et autres acolytes du diable, friands de chair humaine, peuplent la littérature, les carnets de voyage, les bestiaires et les ouvrages sur les monstres. Dans les documents du Moyen Âge, faire la différence entre réalité et imagination n’est pas si aisé et la narration des événements se mêle de manière inextricable à la représentation fantastique, d’où la difficulté de s’assurer de la véridicité des épisodes d’anthropophagie relatés. Si l’on souhaite comprendre ne serait-ce que les pratiques de thanatopraxie, étudier l’imaginaire est pourtant indispensable et donne une idée des plus grandes craintes et des espoirs les plus fous qui rattachent l’homme à la mort. Pour en retrouver la source la plus éloignée, nous parcourrons un chemin qui nous conduira des premiers siècles du christianisme au seuil de l’époque moderne. À cette occasion, nous explorerons l’Europe médiévale, en accordant une attention toute particulière à l’Italie du Nord et du Centre, ainsi qu’à la France et aux territoires normands. Les usages traditionnels d’autres peuples seront pris en considération dans les limites de l’influence qu’ils eurent sur le ressenti des Européens. À la recherche de nos ancêtres cannibales, nous ferons revivre les récits des chroniqueurs, nous mettrons au jour les principes du droit et les sources légales, ethnographiques et cartographiques, les pharmacopées et les traités de médecine, les textes hagiographiques et théologiques, les recueils d’exempla, les images et les témoignages littéraires. L’objectif est non seulement de redécouvrir un passé égaré dans les couloirs du temps, mais aussi de démontrer qu’il existe un solide système conceptuel permettant de concilier la contradiction entre le jugement moral condamnant le cannibalisme et la connaissance de la diffusion de pratiques anthropophages qui nous est parvenue à travers les témoignages.

Dans cet ouvrage, nous avons préféré garder nos distances par rapport à la terminologie médiévale, afin de souligner que la catégorie « anthropophage » appartient à notre système conceptuel, pas à celui des sociétés du Moyen Âge. En effet, « anthropophagie » et ses dérivés seront utilisés au sens littéral de « manger l’homme », et « cannibalisme » définira l’acte de se nourrir d’êtres de sa propre espèce. Du point de vue historique, les deux expressions sont des anachronismes, car le terme « cannibalisme » est issu de la manière dont, au xvie siècle, les habitants des Bahamas et de Cuba appelaient les indigènes des Petites Antilles, les féroces Caraïbes, considérés comme des mangeurs d’hommes. Couramment employé dans l’Antiquité classique, « anthropophage » est un terme qui n’apparaît que rarement dans les textes latins ou vernaculaires.